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De la planche à billet et des risques d’inflation

L’aggravation de la crise économique et financière ont conduit les banques centrales à agir et à utiliser les outils classiques de la politique monétaire afin de lutter contre la récession. Tous les instituts d’émission ont ainsi baissé à plusieurs reprises depuis l’automne dernier leurs taux directeurs ( la plupart sont désormais au voisinage de 1%, 2% pour la BCE). Elles ont également injecté des liquidités par milliards sous formes de prêts court terme gagés sur des actifs de plus en plus larges, créances commerciales , hypothécaires,…) .

Cette politique classique de détente des taux monétaires et d’apport de liquidités au système bancaire a atteint aujourd’hui ses limites. La situation sur les marchés interbancaires s’est effectivement améliorée avec une forte baisse des taux depuis novembre mais sans être revenu à un niveau normal d’avant crise. On constate d’ailleurs que les conditions d’octroi de crédit sont devenus partout plus restrictives (enquêtes Banque de France , Bank of England et BCE). En dépit des discours affichés y compris pour la BCE on s’oriente vers des politiques monétaires qui tendent vers zéro. Or les taux d’intérêts nominaux ne peuvent descendre en dessous de zéro (c’est la fameuse « trappe à liquidités » analysée par Keynes lors de la grande dépression des années trente.)

Si les pressions déflationnistes persistent (baisse des prix sur le marchés des biens mais également baisse de la production, de l’emploi, des salaires et dépréciation accélérée du prix des actifs), les outils classiques vont devenir rapidement inopérants. Les banques centrales vont devoir utiliser des outils non conventionnels. C’est d’ailleurs ce qu’elles ont annoncé dernièrement.

De prêteur de dernier ressort, les banques centrales sont devenues des acheteurs de dernier ressort en rachetant les créances des banques commerciales et en leur fournissant des liquidités qui leur servira à octroyer des prêts aux ménages et aux entreprises. Les banques sont cependant réticentes à prêter compte tenu des risques encourus suite au retournement de la conjoncture (hausse probable des défauts et risque de non recouvrement des créances et crédits octroyés). Elles préfèrent au contraire conserver ces liquidités ou ne les prêter qu’à très court terme au jour le jour ou à la semaine quitte à les reprêter à la Banque Centrale.

L’utilisation de ces techniques entraînent une augmentation de la masse monétaire mais n’empêchent pas jusqu’à présent une remontée des prix (mouvement de « reflation » de l’économie) et une reprise de l’activité. En effet, il ne suffit pas de fournir des liquidités pour faire repartir la demande, en particulier quant les agents économiques ne pensent qu’à se désendetter et reconstituer leur épargne. On rappelle ici les trois motifs keynésiens de détention d’encaisses monétaires : le premier réside dans le désir de transaction afin d’acquérir des biens et services dans le cadre des échanges commerciaux, le deuxième, le motif de précaution consiste à conserver ses disponibilités sur son compte courant préservant ainsi ses avoirs mais de manière non rémunérée.

Le troisième s’explique par le motif de spéculation et consiste à investir dans des actifs financiers dont on anticipe une appréciation future (plus value en capital) et, ou un flux de revenus futurs sous forme d’intérêts (titres de créances) ou de revenus probables (dividendes en actions de sociétés). Ce dernier motif ne peut se réaliser que dans des situations tout à fait particulières et favorables : faible degré d’incertitude concernant l’environnement économique (visibilité concernant la croissance de l’activité et des profits), fortes anticipations des agents économiques pour une appréciation des actifs financiers (hausse des cours de la Bourse notamment), cadre législatif et fiscal attractif.

Ces conditions ne sont évidemment pas réunies aujourd’hui et expliquent la déprime générale des marchés boursiers.

Compte tenu de la faiblesse de la demande privée des entreprises (baisse de l’investissement) et des ménages (faiblesse de la consommation), les pouvoirs publics doivent augmenter les dépenses publiques ( grands travaux d’infrastructures par exemple) afin de relancer l’activité. Cette politique budgétaire qui consiste à baisser les impôts et à relancer les dépenses réalisées par l’Etat se traduit bien évidemment par une forte hausse de l’endettement public. Cette hausse de la dette publique entraîne généralement une hausse des taux d’intérêts sur les emprunts d’Etat (cf. article Caisse de Refinancement de la Dette Publique Européenne). Afin de contenir l’accroissement du coût de la dette et favoriser la baisse des taux y compris sur la partie longue de la courbe, la Banque Centrale n’a d’autre moyen que de procéder au rachat de la dette publique (bons du Trésor mais aussi emprunts à plus longue échéance). Ce faisant, elle monétise la dette publique « la planche billets ». La base monétaire s’accroît alors fortement. L’objectif de la Banque Centrale est de contrer la déflation (la baisse générale des prix) et faire revenir les anticipations des agents concernant ceux-ci vers sa cible d’inflation

( généralement +2%).

Cette politique n’entraîne pas forcément une reprise des prix (voire une hyper inflation comme en Allemagne en 1923). Si les agents économiques (banques, entreprises et ménages) continuent de thésauriser leur disponibilités en ne les investissant pas ou en ne les dépensant pas car leurs revenus n’augmentent pas, il n’y a peu de chance de voir repartir l’inflation, celle-ci étant devenue aujourd’hui la solution alors qu’elle était encore le problème jusqu’en juillet dernier (hausse du pétrole à près de 147 $).

Seule une reprise de la confiance peut alors jouer l’élément déclencheur pour une reprise de l’activité et des prix mais aucun instrument de politique économique n’existe à ce jour car elle dépend du climat général des affaires et du sentiment de chacun des agents économiques concernant son avenir.

Alain BATROW. Le 15 01 2009