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Le yuan, future monnaie internationale.

Lors de la dernière réunion du G20 à Londres, les autorités chinoises s’étaient inquiétées de la santé du dollar et avaient plaidé pour l’émergence d’une monnaie de réserve internationale supranationale. L’idée de redonner un rôle au DTS ( Droits de Tirage Spéciaux) avait alors refait surface. C’est en effet un instrument de réserve international créé par le FMI en 1969 pour compléter les réserves officielles des pays membres. Sa valeur est calculé à partir d’un panier de monnaies.

Cette attitude rappelle que la Chine n’a pas abandonné l’idée de réduire la dépendance de son économie à la devise américaine. Elle a ainsi multiplié les accords d’échange de devises (swap) afin de lutter contre la crise financière, tout en lui permettant de promouvoir sur le plan international sa monnaie qui pour l’heure est encore largement non convertible.

On rappelle toutefois que depuis le 21 juillet 2005, la Banque Centrale de Chine a annoncé que l’ancrage de facto sur le dollar était remplacé par un flottement géré sur un panier de devises. Une appréciation initiale de 2% contre le dollar et l’établissement d’une bande étroite de fluctuation quotidienne sur le taux de change bilatéral contre le dollar fondait également cette réforme. Par la suite la Banque Centrale de Chine a précisé que le yen, le won coréen et l’euro, aux côtés du dollar américain étaient les principales monnaies du panier. D’autres monnaies figuraient également dans le panier comme le ringgit malais, le bath thaïlandais ou le rouble russe, le dollar australien, canadien ainsi que la livre britannique. En revanche, on ne connaissait pas le poids des monnaies dans le panier.

Le dernier accord d’échange temporaire de devises a été réalisée avec l’Argentine et pourra atteindre 70 milliards de yuans (7,72 milliards d’euros) sur trois ans… Au total, ces swaps conclus avec la Corée du Sud, HongKong, la Malaisie, le Bélarus, l’Indonésie et l’Argentine, représentent 650 milliards de yuans (71,7 milliards d’euros).

D’autres accords seraient en discussion. Ces accords indiquent que l’influence sur l’économie mondiale de la Chine notamment dans ses aspects financiers sont de plus en plus importants même s’il ne faut pas en exagérer les conséquences. Ces swaps visent à injecter dans le système financier des yuans, une monnaie dont le taux de change est strictement contrôlé et la convertibilité trop limité pour lui permettre de jouer le rôle de monnaie internationale. Comme le remarque Andrew Peaple, un expert comptable collaborateur de l’agence Dow Jones Newswire, la plupart des pays qui ont conclu des accords de swaps avec la Chine ne les ont pas encore utilisés. Le yuan a pour eux peu d’intérêt en dehors du financement du commerce car il ne peut être négocié hors de Chine. Les swaps permettront néanmoins aux partenaires de la Chine de financer leurs achats chez leur fournisseur chinois et servira de monnaie de paiement dans le cadre de leurs futurs échanges bilatéraux.

Tous ces accords visent à réduire les risques et la dépendance vis-à-vis du dollar dans un contexte de dépréciation continuelle de la devise américaine. Elle demeure cependant la première monnaie de facturation du commerce international, la première monnaie de réserve des banques centrales et la monnaie dominante sur les marchés financiers.

La volonté d’adopter une monnaie de référence internationale stable et non soumise à des considérations de politique intérieure commence à apparaître comme un des éléments de plus en plus visibles des orientations de la politique monétaire chinoise.

Dans ces conditions on peut penser que le déclin relatif du dollar pourra provenir d’une plus grande utilisation des monnaies asiatiques par le biais d’une accélération des échanges commerciaux et financiers dans le cadre de l’intégration régionale constitué par les pays d’Asie regroupés au sein de l’ASEAN (Association des nations de l’Asie du sud Est).

Comme le rappelle M Aglietta économiste au CEPII, « Le développement du commerce et de l’intégration régionale entre les pays d’Asie les rapprochent de la situation de l’Europe dans les années 1970. Elle avait alors crée des mécanismes de change incorporés dans le système monétaire européen pour maintenir les rapports entre ses monnaies. On peut penser que les pays d’Asie orientale vont établir des relations de change quoique plus souples que les mécanismes contraignant du SME ».

Dans un deuxième temps, le yuan chinois (officiellement appelé Yuan Renmimbi) pourrait progressivement apparaître comme une alternative au dollar. Il est difficile de dire combien de temps cela va prendre. Ce qui est certain cependant c’est que à mesure que le poids de la Chine deviendra prépondérant au niveau mondial tant par l’importance de sa richesse produite que par les relations commerciales et financières générées, elle aura pour stratégie de promouvoir sa monnaie sur le plan international.

Cet aboutissement n’a de chance de réussir qu’à un certain nombre de conditions :

– Assainissement de son système bancaire avec la poursuite de la recapitalisation des banques, provisionnement des créances douteuses et création de structures de défeasance sous la houlette de la Banque Centrale.

– Développement d’un marché financier intérieur puissant et efficient avec en particulier le développement de marchés de capitaux permettant la négociabilité de la dette publique, favorisant ainsi l’absorption de l’épargne intérieure excédentaire.

– Convertibilité totale de la monnaie et établissement de taux de change flexible avec les autres devises.

La loi dite du « triangle des incompatibilités de Mundell » ne manquerait pas alors de réapparaître. Cette théorie considère la marge de manœuvre de la Banque Centrale dans un environnement international donné. Elle ne peut concilier une politique monétaire autonome, consacré à la réalisation de l’équilibre économique sur le plan intérieur avec la liberté des mouvements de capitaux avec l’extérieur et un taux de change fixe de sa monnaie nationale par rapport aux autres devises.

Il faut nécessairement renoncer à l’un des ses trois éléments, une politique monétaire autonome, la liberté des mouvements de capitaux et des changes fixes sont incompatibles ensembles.

Aujourd’hui, après la chute de Bretton Woods, la plupart des monnaies sont en régime de change flexible. C’est le seul moyen de sauvegarder l’autonomie des politiques monétaires nationales dans un système économique mondialisé oû la liberté des capitaux , au sein de marchés libéralisés et internationalisés, représente un mouvement assez irrésistible.

La Chine, consciente de ces contraintes, essaie de concilier ces incompatibilités. Elle tente d’instaurer un certain contrôle des entrées de capitaux, pratique une politique de taux de change fixe mais ajustable et renforce son système bancaire afin de crédibiliser sa politique monétaire intérieure.

Alain BATROW. 27 avril 2009